On ne nous a jamais appris à aimer notre corps
- acopodcasts
- il y a 3 jours
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Il y a quelques semaines, je repensais à une petite anecdote assez fun (non) qui m’est arrivée quand j’étais plus jeune…
J’ai eu des vergetures très tôt dans ma vie, pour, je crois, plusieurs raisons.
J’ai commencé à faire le yoyo avec mon poids dès ma 10ᵉ année. Entre mes 10 et mes 20 ans, j’ai passé mon temps à perdre et reprendre du poids : troubles du comportement alimentaire, régimes extrêmes, obsession du sport, obsession du corps… tutti quanti.
Ma puberté, elle, était beaucoup trop pressée d’arriver, et mes seins ont commencé à pousser alors que je venais à peine de rentrer au CM2.
J’ai eu le corps qui changeait et surtout, qui changeait très vite.
Alors, la peau qui tire, qui se fissure, je l’ai connue bien plus tôt que ce à quoi tout le monde s’attendait.

À 12 ans, ma mère m’achetait déjà tout un tas de crèmes anti-vergetures à base de bave d’escargots (super glamour, je sais) et des huiles à la composition très douteuse.
Mais elle ne s’est (malheureusement) pas arrêtée là.
Ces petites fissures un peu partout sur mon corps la dérangeaient tellement qu’elle a fini par se dire qu’un petit passage par la médecine esthétique, à 13 ans à peine, ne me ferait pas de mal.
C’est donc ce qui s’est passé, et à 13 ans, pendant que les ados normaux passaient leurs mercredis après-midis à faire du tennis, du piano, de la danse, du karaté et autres activités, moi, je les passais allongée sur une table, à me faire injecter du gaz carbonique médical sous la peau pour faire disparaître ces fichues vergetures.
Spoiler alert : ça n’a absolument pas marché.
En pensant à cette anecdote assez folle, une réflexion m’est venue en tête.
Moi, Séréna, personne ne m’a jamais appris à m’aimer telle que je suis.
Depuis toute petite, mon corps a toujours posé un problème. Il fallait que je perde du poids, que je cache ma poitrine (à qui je n’avais jamais demandé de prendre autant de place), que je fasse partir mes vergetures, que ma cellulite disparaisse, que je fasse attention à ce que je mange, jamais pour ma santé, mais pour m’empêcher de grossir.
Il fallait toujours que je change quelque chose, parce que telle que j’étais, ce n’était pas « assez bien » : pas assez mince, pas assez harmonieuse, pas assez jolie…

J’ai grandi avec l’idée que, pour m’aimer, il fallait que je sois constamment en train d’« améliorer » quelque chose chez moi : mon poids, mes cheveux, mon sourire, ma façon de m’habiller, de m’exprimer.
J’ai passé une grande partie de ma vie à courir derrière cette soi-disante perfection…
J’aurais pu blâmer ma mère pour ça (je l’ai fait, et pendant très longtemps), ma grand-mère, les mean girls du lycée, et finalement toutes les femmes de la Terre.
Mais j’ai grandi, et j’ai compris que, comme moi, elles n’étaient que des victimes d’une société et d’un système qui profitent des insécurités des femmes.
Un système qui nous pousse à croire que notre valeur réside dans notre apparence, qui amasse des sommes d’argent astronomiques sur le dos de complexes qu’il a lui-même créés,un système qui nous fait grandir avec l’idée qu’on ne sera jamais assez : jamais assez minces, jamais assez lisses, jamais assez fermes, jamais assez jolies, jamais assez jeunes… et qui change constamment de standards de beauté pour toujours plus profiter de nos insécurités.
Alors oui, peut-être que j’aurais aimé entendre un « tu es très bien comme ça » de ma mère, au lieu de sa volonté de constamment vouloir me changer.Peut-être que j’aurais aimé qu’elle me dise que les vergetures et la cellulite, c’est normal, surtout quand son corps change aussi vite.Peut-être que j’aurais aimé qu’elle m’apprenne à bien manger pour ma santé, plutôt que pour perdre du poids.
Et oui, je lui en ai voulu : pour tous les régimes, les critiques, les comparaisons, la médecine esthétique à 13 ans.Et à juste titre. Parce que j’aurais mérité d’être aimée sans conditions, d’être accueillie comme j’étais, dans toute l’innocence de mon corps d’enfant en transformation.
Mais aujourd’hui, avec le recul, j’ai compris que comme toutes les autres avant elle, elle a grandi dans un monde qui lui a appris à se juger avant même de s’aimer.Qu’elle aussi a été une petite fille qu’on a enfermée dans des injonctions.
Comment lui en vouloir d’avoir cru que c’était ça, l’amour : protéger sa fille du rejet, en essayant de l’aider à « correspondre » ? À « gommer » ce qui dépassait ?Elle n’avait pas les bons outils, pas les bons mots, pas la bonne information.Juste cette peur ancrée : celle de ne pas être acceptée.
Dans un monde qui te pousse sans cesse à te haïr en tant que femme, comment est-ce que tu apprends réellement à t’aimer ?

Je n’ai pas la réponse.Mais je pense que je me dois au moins d’essayer :
Essayer de m’aimer comme je suis, sans conditions, sans objectif de transformation.Essayer de faire la paix avec mon corps, de le regarder avec douceur, de le remercier d’être là, de me permettre de faire et vivre tout ça.
Essayer de ne plus transmettre cette honte qu’on m’a transmise, de ne plus croire que l’amour de soi doit se mériter.
Je ne veux plus courir après un corps qu’on m’a appris à désirer, mais jamais à habiter.
Je veux le choisir, lui, le mien, même avec ses marques, ses plis, ses courbes, ses changements.
Parce que ce corps, c’est ma maison.Et j’ai passé bien trop de temps à vouloir en changer la façade, au lieu d’y construire la paix.
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